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La désensibilisation
   
 

De nombreux traitements des maladies d'origine allergique sont symptomatiques avec récidive des symptômes dès l’arrêt de ces médicaments.

L’éviction de l’allergène est considérée comme un traitement curatif, mais le risque de réaction allergique est toujours élevé si le patient s’expose à l’allergène.

Le seul traitement curatif de l’allergie est la d
ésensibilisation.

Les bases scientifiques sont de mieux en mieux connues, les bons résultats de ce traitement sont confortés par des études récentes.

La prise en charge précoce, dès le jeune âge, a des effets bénéfiques sur l’évolution de la maladie, les produits sont mieux standardisés, ce qui diminue les risques du traitement, en augmentant l’efficacité thérapeutique.

 
  Qu'est ce que la désensibilisation ?  
 

La désensibilisation ou immunothérapie spécifique agit directement au niveau des lymphocytes T en réorientant la réponse immunologique du patient allergique.

La réponse immunologique cellulaire au contact d'un allergène est de 2 types:

La réponse de type 1 correspond au mécanisme en cause dans les maladies inflammatoires et infectieuses avec production d’IgG1 et de lymphocytes cytotoxiques.

La réponse de type 2 correspond à celle de l’allergique avec sécrétion de cytokines induisant la production d’IgE par les lymphocytes B.

Chez le sujet non allergique la réponse prépondérante est de type 1. Chez l’allergique le plateau penche fortement du coté des lymphocytes de type 2 : la désensibilisation va réprimer la réponse TH1 et TH2.

Ses conséquences sur la prise en charge de l’allergie  :


On va disposer d’allergènes pour le diagnostic et d’allergènes modifiés pour la thérapeutique en alliant efficacité et sécurité. La désensibilisation pourra être proposée sans doute beaucoup plus tôt puisque les immunologistes pensent qu’il faudrait intervenir sur le système immunologique avant l’âge de 5 ans.

Quels allergènes ?

La désensibilisation est réservée aux pneumallergènes (allergénes présents dans l'air: acariens, pollens, poils d'animaux essentiellement) et aux venins d’hyménoptères, des essais sont en cours avec des allergènes modifiés pour les aliments.

  Dans quel cas peut-on proposer une désensibilisation ?  
 

La responsabilité de l'allergéne doit être clairement établie par un diagnostic allergologique précis basé sur les l’interrogatoire, les tests cutanés et éventuellement la biologie dosage des IgE spécifiques (RAST).

Les affections allergiques sont souvent multifactorielles., la place de l’allergie doit être précisée parmi les autres facteurs de l’environnement entretenant ou aggravant la maladie allergique (tabac, pollution, environnement professionnel et autres...),

La désensibilisation est proposée en cas de rhinite et d’asthme léger à modéré, (l'asthme doit être stabilisé) si les mesures simples d’éviction (valables seulement pour certains allergènes : acariens, phanères animales...) ne suffisent pas à améliorer la situation.

Le patient doit adhérer a ce traitement après avoir été bien informé des contrainte et de la durée nécessaire. il s'agit d'un traitement relativement contraingnant, les injections ou les prises par voies orales doivent être régulieres et prolongées pendant au moins 4 ans.

 
  Quelles sont les contre-indications de la désensibilisation ?  
 

Les contre-indications définitives :

• les maladies allergiques non contrôlées en particulier l’asthme sévère
• les maladies dysimmunitaires
• le déficit immunitaire

Contre-indications relatives ou temporaires :

• âge inférieur à 5 ans
• traitement par béta-bloquant y compris local.

La grossesse

La prise en charge des affections allergiques pendant la grossesse est difficile car de nombreux médicaments sont contre-indiqués, en particulier tous les anti-histaminiques de nouvelle génération.
La désensibilisation n’ayant aucun effet tératogène n’est pas contre-indiquée. Un traitement d’entretien peut être maintenu pendant toute la durée de la grossesse. il n’est pas recommandé de débuter l’immunothérapie pendant la grossesse, l’action de la désensibilisation n’étant pas immédiate, il n’y aurait pas d’effet protecteur.

  La désensibilisation est-elle efficace ?  
 

Le rapport de l’OMS de 1998 qui a définitivement établi les preuves de l’efficacité de l’immunothérapie spécifique conduite selon les bonnes pratiques.

La désensibilisation est efficace dans :

La rhinite allergique aux acariens, alternaria, pollens de graminées, ambroisie, pariétaire, cyprès, Bétulacées.
l’asthme allergique léger à modéré aux pollens de graminées, acariens.

La désensibilisation a prouvé son efficacité dans la rhinite ou dans l’asthme allergique à ces allergènes, sachant que de nombreuses publications ont également rapporté des bénéfices de l’immunothérapie dans des cas particuliers vis-à-vis d’autres allergènes comme le chat, par exemple.

 
  L'effet de la désensibilisation est-il durable ?  
 

La désensibilisation est efficace et le reste longtemps.

On a démontré, en réévaluant des patients asthmatiques plus de 9 ans en moyenne après arrêt de la désensibilisation (par rapport à un groupe contrôle traité seulement par des médicaments), que les patients ayant été désensibilisés avaient 3 fois moins de crises d’asthme. Ces résultats ont été confirmés non seulement pour les acariens mais également pour les désensibilisations aux pollens.

Il s'agit d'un traitement curatif au contraire des traitements médicamenteux qui n'agissent que pendant la durée du traitement , les symptômes réapparaissant à l'arrêt du traitement.

  La désensibilisation à un allergène peut-elle empêcher de devenir allergique à d'autres allergènes ?
On peut penser que désensibiliser un patient allergique aux acariens, par exemple, est de faible intérêt car il peut ensuite devenir allergique au chat, aux pollens ou autres. D

Il a été montré qu’une désensibilisation contre les acariens chez des enfants , permettait de prévenir de nouvelles sensibilisations à d’autres pneumallergènes chez 45% de ces enfants par rapport à 100% de nouvelles sensibilisations dans le groupe témoin.


La désensibilisation prévient l’apparition de nouvelles allergies.

La désensibilisation modifie le terrain immunologique et doit être proposée tôt, avant que le patient ne devienne allergique à l’ensemble de son environnement.

 
  La désensibilisation peut-elle induire des maladies immunologiques ?  
 
Il y a actuellement un recul suffisant sur un nombre considérable de patients depuis de nombreuses années avec un suivi de plus de 20 ans pour affirmer que la désensibilisation ne peut pas entraîner de manifestations d’auto-immunité ou de dérèglement de la réponse immunologique.

Mais, l’existence d’une affection immunologique sous jacente a toujours été considérée comme une contre-indication à la désensibilisation, d’ailleurs sans que cela ne soit démontré mais plutôt par application évidente d’un principe de sécurité.

Les dernières recommandations internationales continuent de préconiser l’abstention de toute immunothérapie spécifique chez les patients ayant une affection immunologique de type maladie de système ou affection auto-immune.
 
  Comment se passe une désensibilisation ?  
 

2 mode d'administration des allergènes:

La voie sous-cutanée:

consiste à réaliser des injections (par un médecin) tous les 8 jours puis tous les 15 jours et enfin tous les mois pendant au moins 4 ans, c’est pour la voie sous-cutanée que les études d’efficacité et de tolérance sont les plus nombreuses. Elle a prouvé son efficacité.

La désensibilisation par voie sub-linguale:

De nombreuses études sont maintenant disponibles démontrant l'efficacité de ce traitement aussi bien dans la rhinite que dans l’asthme allergiques vis-à-vis des allergènes per-annuels comme pour les allergènes saisonniers et les réactions d'intolérance sont plutôt moins fréquentes.

La méthode est séduisante mais exige une grande rigueur, le temps passant les enfants se lassent et les adultes oublient, surtout si le traitement est efficace... l'expérience démontre globalement une moins bonne observance. Elle est intéressante chez l'enfant mais à notre avis à prescrire en "deuxième intention" chez l'adulte: phobie des piqûres, situation professionnelles ne permettant pas l'accés mensuel à un médecin ....

Le GRAZAX

Nouveau traitement oral des rhino-conjonctivites polliniques est disponible depuis la fin de l'année 2011

Quelque soit la méthode utilisée, le traitement se déroule en 2 phases:

  1. Phase d’induction: montée des doses. L’administration du produit de désensibilisation se fait par des injections rapprochées à doses progressivement croissantes, avec des protocoles d’augmentation très lents pour les patients particulièrement allergiques.
  2. Phase d’entretien: la dose maximum tolérée est injectée mensuellement pou prise par voie orale 3 fois par semaine pendant toute la durée du traitement qui est variable de 3 et 5 ans, avec une évaluation régulière des résultats tous les ans. L'effet bénéfique ne sera observable qu’après quelques mois de traitement.

En pratique

Les produits de désensibilisation sont commandés sur ordonnance spéciale au laboratoire (ALK ou Stallergéne) il parviennent au domicile du patient par la poste contre remboursement (le traitement est pris en charge par la sécurité sociale et les mutuelles). La boite contient 3 flacons de concentration croissante 0,1 - 1 et 10 unités.

Le traitement commence évidemment par le flacon le n°1 le moins concentré à 0,1 unité. Les injections sont sous cutanées à la face externe du bras, elles sont indolores ou très peu douloureuses.

Les injections sont hebdomadaire à dose croissante 0,15 - 0,30 - 0,50 - 0,80 on passe au flacon n°2 à 1 unité , le rythme de progression est le même, à partir du flacon n°3 à 10 unités les injections se font tous les quinze jours : 0,15 - 0,30 - 0,50 , à O,50 elles deviennent mensuelles et la progression se poursuit par palier de 0,1 ml jusqu'à la dose maximale supportée sans incident et sans dépasser 1 ml. En cas de réaction on ralenti ou suspend la progression. La dose d'entretien, 1ml ou moins selon les cas est ensuite maintenue tout au long des 4 à 5 ans de traitement.

L'allergie à plusieurs allergènes est-elle une contrindication à la désensibilisation ?
Les réactions à plusieurs allergènes vont avoir un effet de sommation au niveau de l’organe cible.
Tout traitement qui pourra diminuer cette pression allergénique permettra de mieux contrôler l’affection allergique.

Pour un patient ayant une rhinite allergique à la fois aux acariens et aux pollens, il est facile de comprendre que la réaction allergique aux acariens pendant l’hiver va développer l’hyper-réactivité de la muqueuse nasale du fait de l’inflammation induite par la réaction allergique. Au printemps, le patient va réagir d’autant plus vigoureusement aux pollens du fait de cette hyper-réactivité nasale. Même si on ne désensibilise ce patient qu’aux acariens, il abordera le printemps avec une muqueuse non inflammatoire donc non réactive et la saison pollinique sera beaucoup plus facile à gérer par un traitement médicamenteux simple.
 
A quels ages peut-on la faire ?

Si un patient fait une réaction allergique, c’est que son système immunologique a la capacité de réagir en fabriquant de façon inopportune des IgE, on doit donc pouvoir modifier sa réponse vis-à-vis de l’allergène pour espérer une guérison.

Chez l'enfant:

Pour des raisons pratiques d'adhésion minimum au traitement qui exige une participation du patient, que la voie d'administration soit injectable ou orale, on commence rarement une désensibilisation avant 6 ans.

Chez le patient âgé:

Des études ont montré que le patient âgé a des capacités de réponses allergiques avec production d’IgE spécifique., l’asthme et la rhinite sont fréquents dans cette population.
La sensibilisation aux hyménoptères est également beaucoup plus dangereuse chez ces patients, un choc anaphyllactique étant plus grave par risque de décompensation d'une autre pathologie, cardiaque par exemple, Il n’y a donc pas de contre-indication formelle d’âge pour une désensibilisation,

 
  Peut-on refaire une désensibilisation ?  
 

Une désensibilisation en cours n'interdit pas la mise en route d'une désensibilisation complètementaire, surtout si le traitement est efficace, par exemple aux pollens chez un patient désensibilisé vis à vis des acariens.

Une désensibilisation faite dans l'enfance ou quelques années auparavant n'interdit pas la reprise d'un traitement vis à vis du même allergène mais seulement si le traitement a été efficace. Les "rechutes" sont souvent la conséquence d'un traitement interrompu trop tôt, par ailleurs les produits utilisés aujourd’hui n’ont plus rien à voir avec ceux utilisés hier. Les protocoles sont également différents avec des doses d’entretien plus élevées. Un nouveau traitement peut donc parfaitement être efficace.

 
  Quels sont les risques de la désensibilisation ?  
 

Les incidents sont peu fréquents et habituellement bénins:

Par voie sous-cutanée :
• Une réaction locale est banale et ne justifie ni retard dans l’application du protocole, ni diminution des doses (induration de la taille d’une pièce de 2 Euros).
• Une réaction syndromique peut se rencontrer lors de l’augmentation de la dose d’allergènes injectée: en général, on répète l’injection sans augmentation de la dose et on peut ensuite poursuivre le protocole.
Par voie sub-linguale :
• Une gêne sous la langue est banale et ne doit pas amener la modification du protocole.
• Une réaction syndromique (gêne respiratoire, rhinite) se gère de la même façon en ralentissant la progression des doses.

Exceptionnellement, en cas d'erreur de concentration par exemple peuvent survenir des accidents graves à type de choc anaphyllactique ou d'oedème de Quincke nécessitant injection d'adrénaline, corticoides voire hospitalisation et séjour en réanimation.

Dans 99% des cas la réaction indésirable est immédiate et survient dans les 10 minutes qui suivent l’injection.

La désensibilisation est sans danger quelques précautions de bon sens sont respectées: le protocole doit être scrupuleusement respecté, les injections doivent être décalées en cas d'exacerbation d'asthme ou d'infections aigue avec hyperthermie , le patient doit rester sous surveillance quelques minutes après l'injection (théoriquement 20 minutes).

Perspectives  
 

Les recherches actuelles portent surtout sur les produits utilisés  : le but est de ne conserver que le fragment d’allergène qui se combine au récepteur des lymphocytes T helper, sans garder le fragment qui se lie aux IgE spécifiques. Ainsi, on conserverait le potentiel désensibilisateur de l’allergène mais il deviendrait totalement inoffensif et aucune réaction allergique ne pourrait survenir accidentellement.

Les progrès portent également sur une meilleure caractérisation des allergènes et une meilleure standardisation des extraits, permettant d’assurer des traitements très rigoureux sur le plan posologique.

D ’autres voies d’administration sont à l’étude : comprimé dans un proche avenir .

Conclusions  
 

La désensibilisation ou immunothérapie spécifique est un traitement moderne de la maladie allergique, qui offre par rapport au traitement médicamenteux les avantages d’être curatif, de s’opposer au développement de nouvelles allergies, d’être préventif en évitant l’aggravation de la maladie, en particulier le développement d’un asthme chez le patient qui ne souffre que de rhinite.

La désensibilisation est donc un traitement efficace et sur à condition qu'elle soit prescrite à bon escient et que le protocole de traitement soit rigoureux et bien suivi. C’est le bon respect des indications et la bonne collaboration du patient et de son médecin, en suivant les protocoles prescrits qui font de la désensibilisation un traitement sûr et efficace.

 
Dr G.Bonnaud - Polyclinique de Courlancy - Reims - ©2007
mise a jour 02/2012